Running man de Richard Bachman (Stephen King)

Il court contre la mort… Attention, coup de coeur!

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Genre : anticipation

Année de publication originale : 1982

Pourquoi j’ai choisi ce livre / cet auteur ?

Pour la petite histoire (mais je crois que je l’ai tellement dit que ce n’est plus vraiment un sccop !) : Running man est ma 1ère rencontre avec le King.

J’avais 12 ans, mes parents m’avaient enfin autorisée à voir un film interdit aux moins de 12 ans, Running man donc. J’avais adoré le film (mais j’adorais les films avec Schwarzenegger) et j’ai vu le nom de Stephen King… Stephen King comme l’auteur de tous ces livres qui figuraient dans la bibliothèque de mon père Oui, en 1993 il en avait déjà écrit un certain nombre. La curiosité était forte, trop forte… et ce fut une claque. Mon histoire avec King a commencé de cette manière et elle dure depuis 26 ans.

Je l’ai lu et relu à maintes reprises, mais j’avais envie de le faire cette fois avec un œil aussi objectif que possible, en vue de faire une chronique. Et avec un compagnon de voyage tel que mon ami Ben (non, pas Richards) pour faire une lecture partagée, cela ne pouvait qu’être une chouette aventure. Vous venez ?

 

Résumé (sans spoil)

Co-op City, en 2025. Ben Richards se rend à l’évidence : seule une rentrée d’argent providentielle permettrait de tenter de guérir sa petite fille Cathy atteinte d’une pneumonie, dans un monde où seuls les riches se soignent efficacement. Mais Ben est au chômage depuis des années, et l’espoir est un luxe, une utopie même. Reste à tenter les Jeux, dont les récompenses sont élevées. Ces Jeux ont également un prix élevé : la santé dans le meilleur des cas, la vie dans le pire. Dans un monde devenu fou, cela reste la meilleure option. La Grande Traque ne fait que commencer, seul contre tous…

 

Mon avis

Le livre opère un compte à rebours, à partir de 100. Les chapitres ont une taille très inégale, de la moitié d’une page à plusieurs pages. On est tenté de dire que cela permet de plus facilement faire une pause… mais comment lâcher un tel roman avant d’avoir vu le 0 ? Le résultat de ce découpage court, c’est que le rythme est soutenu, nerveux, sans temps mort et avec peu d’ellipses, à l’image de la traque.

Running man est un des rares romans de Richard Bachman à se dérouler dans un futur dystopique. Le seul autre est Marche ou crève, qui a également été publié sous son pseudonyme 3 ans plus tôt. Cependant, là où la grande Marche se déroulait dans une époque mal définie et aux contours flous, ce qui rendait le récit quasiment intemporel, la grande Traque prend place dans un monde qui n’est pas sans évoquer 1984, avec le Libertel allumé quasiment en permanence dans les foyers : l’éteindre n’est pas (encore) interdit, mais que ce n’est qu’une question de temps. Certains indices parsemés çà et là nous font comprendre qu’il ne fait pas bon y vivre : « en cette époque de guerre bactériologique en Égypte et en Amérique du Sud, sans oublier la notoire loi sur l’avortement obligatoire adoptée par le Nevada. ». Bref, une époque dans laquelle on peut presque comprendre la nécessité d’une catharsis à travers des jeux du cirque remis au goût du jour.

Les Jeux, parlons-en. Leur contenu est connu de tous : cruels, voire mortels. Pourtant lorsque Ben s’approche du Building des Jeux, la file d’attente fait déjà un kilomètre. De même que dans Marche ou crève, les candidats sont tous volontaires, ce qui laisse un aperçu du désespoir dans lequel se trouvent les gens pauvres. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la chair à canon est dûment sélectionnée (une rumeur court que 30% des candidats sont éliminés rien qu’à l’issue de l’examen médical), les tests de sélection sont impitoyables et prennent diverses formes : logique, maths, lettres, personnalité, motivations, tout est scruté. Même les tendances suicidaires, contrairement à ce qu’on pourrait pourtant penser. Il ne faudrait pas qu’un candidat suicidaire ne vienne abréger et gâcher le spectacle !

Les motivations de Ben sont doubles : déjà, il voit dans ce job ultra dangereux le seul moyen « honnête » d’obtenir les moyens d’acheter les médicaments qui pourraient sauver son bébé. Ensuite, c’est un homme au chômage, mis au ban de la société car considéré comme subversif, réfractaire à la notion d’autorité et d’injustice, qui voit en ce jeu sa dernière chance de se sentir utile et de retrouver son orgueil, fût-ce en divertissant une populace impitoyable et en alimentant un système qu’il abhorre.

D’ailleurs, cette populace… elle ne sera pas seulement spectatrice voyeuse, mais pourra prendre part pleinement au massacre en dénonçant les participants de la Grande Traque. Cet aspect du jeu représente une menace au moins aussi importante que la troupe des Chasseurs, tueurs professionnels lancés à sa poursuite. Dès lors, comment survivre 30 jours, seul contre tous ? On pourrait penser que tout est perdu d’avance, mais c’est méconnaître la nature humaine… Ben n’oubliera pas ce conseil de Dan Killian (le présentateur vedette du show) : Restez près des vôtres. Cela lui servira et lui desservira, car bien sûr l’homme est imprévisible quel que soit son camp.

Je pense qu’il n’y a pas de suspense quant à mon avis : je l’ai adoré, une fois de plus. J’appréhendais d’avoir un regard différent, plus acéré et critique comme c’est le cas depuis que j’ai commencé mon blog, et que cela ternisse l’adoration que je ressentais vis-à-vis de ce livre. Il n’en est rien. Foncez le lire, il est génial !

 

Mon personnage préféré

Ben Richards. Il fait même partie des personnages de Stephen King que je préfère. Un chapitre est consacré brièvement à sa biographie, on constatera qu’il a tragiquement reproduit le schéma paternel (chômage, considéré comme un paria, femme prostituée). Insubordonné, intelligent et considéré comme un marginal par la société, mais suffisamment malin pour avoir évité les pièges de la drogue et des gangs. Il a un humour noir dont il ne se départit jamais, même dans les situations les plus désespérées, et c’est une des raisons qui m’ont fait adorer ce personnage. A aucun moment il n’est décrit comme un héros. Il tentera d’embrasser les causes des personnes qui viendront croiser son chemin et l’aideront, tout comme il sera tenté de succomber à la facilité. Il est humain, tout bonnement.

 

Un passage qui m’a marqué

Comme je n’ai pas le droit de dire la fin, je vais vous parler de mon 2nd choix. Ah non, le 2e choix va trop spoiler aussi…

Bon, alors celui-ci : à un moment donné, Richards est repéré, cerné par ses poursuivants dans l’endroit qui lui servait de planque. Pas le choix, il doit s’échapper par des tuyaux. King sait parfaitement communiquer à son lecteur la crise de claustrophobie ressentie par le protagoniste. On est projetés avec lui dans cet étroit tuyau, entre la nécessité de fuir l’ennemi et l’incertitude de ce qu’il trouvera de l’autre côté.

 

Une citation

« Comme vous le savez, monsieur Richards, vous quitterez le studio sans armes. Cela ne signifie pas que vous n’ayez pas le droit de vous en procurer, par n’importe quel moyen, légal ou non. Au contraire ! Vous – ou vos héritiers – toucherez un supplément de cent Nouveaux Dollars pour tout Chasseur ou représentant de la loi que vous réussirez à éliminer. C’est…

-Je sais, dit Richards. C’est du bon spectacle.

-Absolument ! Toutefois, essayez de ne pas descendre des spectateurs innocents. Ce n’est pas au programme. »

 

Le saviez-vous ? par Club Stephen King

Comme vous le savez sans doute, Running man a été adapté en 1987 par Paul Michael Glaser, avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal (voir plus de détails en « bonus »).

En 2014, l’acteur indiquait en interview être intéressé pour une éventuelle suite à l’adaptation cinématographique :

https://club-stephenking.fr/arnold-schwarzenegger-aimerait-faire-running-man-2

Une version bluray est prévue en 2019 (il faut bien avouer que la version VHS pique un peu les yeux !) :

https://club-stephenking.fr/running-man-une-version-bluray-prevue-pour-2019

Bonus

Commençons par l’adaptation cinématographique, même si le terme « adaptation » ne sied guère. En effet, en dehors de l’humour pince-sans-rire de Schwarzy, l’idée d’un jeu mortel et d’un arrière-plan dystopique, il n’y a que très peu de points communs avec l’œuvre originale : « En 2017, un policier, Ben Richards, est arrêté pour avoir désobéi aux ordres en refusant de tirer sur une foule innocente et affamée. Lorsqu’il s’évade de prison, il est remarqué par un animateur de télévision, Damon Killian, qui veut l’engager (contre son gré) pour son émission The Running Man, dans laquelle un homme doit échapper à des tueurs lancés à ses trousses afin d’être libéré de prison. ». Le film s’inspire d’ailleurs plus du film « Le prix du danger » que du roman de King. Je l’ai revisionné il y a peu, ça reste un divertissement sympa, assez caractéristique des films d’action des années 80 (mention spéciale quand même aux jurons homophobes, dans la VF du moins, qui ne passeraient plus aujourd’hui…).

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Pour ceux qui ne l’aurait pas lue, je vous suggère de jeter un œil sur ma chronique de Marche ou crève (et de lire le roman, soit dit en passant). Ce roman, également publié 3 ans plus tôt sous le pseudonyme de Richard Bachman, peut être considéré comme une ébauche de Running man, tant certains points se rejoignent, tout en étant nettement plus développés dans ce dernier. La section bonus de cette chronique est également valable pour Running man. Pour ceux qui auraient déjà lu le roman, je ne peux que vous recommander l’excellent épisode du podcast Le roi Stephen qui lui est consacré (lien ici).

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Un des thèmes classiques de toute dystopie qui se respecte est la construction inégalitaire de la société, et Running man n’y fait pas exception. « Depuis le clivage ville haute-ville basse du Metropolis de Fritz Lang, en 1927, on n’a pas inventé grand-chose de plus que ce reflet (à peine) déformé du monde réel. Injustice et inégalités sont les mamelles de la dystopie : seules les représentations changent.

Dans Snowpiercer : le Transperceneige, de Bong Joon-ho, ce qui reste de l’humanité s’entasse à l’intérieur d’un train où l’aristocratie se pavane dans les luxueux wagons de tête tandis que le bas peuple vit dans la misère et la crasse des wagons de queue. Même société clivée dans Elysium, de Neill Blomkamp, ou les privilégiés vivent dans une douillette station spatiale quand les défavorisés sont parqués sur une Terre ravagée. Et comme dans la réalité, les inégalités conduisent parfois à une mort précoce. Par manque de soins, comme dans Elysium en raison d’un système de santé à deux vitesses, ou de « temps », la monnaie du Time out d’Andrew Niccol. Les pauvres ne gagnent que quelques minutes pour de harassantes journées de travail alors que les riches thésaurisent des siècles entiers. » (suite de l’article de Télérama ici). Je vous engage fortement à regarder les films cités.

Metropolis-poster

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