Zombies : le règne des morts d’Alexandre Ratel

Quand il n’y a plus de place en enfer, les morts envahissent ma bibliothèque.

Genre : horreur, dystopie

Année d’édition originale : 2019

 

Pourquoi j’ai choisi ce livre / cet auteur ?

Le hasard des réseaux sociaux a fait mon choix : j’ai découvert au hasard des partages la nouvelle qui introduit ce recueil, Stade terminal (l’article que j’y ai consacré est consultable ici). Un petit bijou d’écriture qui m’a donné envie de lire d’autres nouvelles de l’auteur. En plus, j’avais envie d’un ouvrage qui soit tout sauf un gros pavé, ce genre d’ouvrage était donc tout indiqué pour moi.  Enfin, ça parle de zombies, donc forcément je rapplique!

 

Résumé

« Le monde n’a pas voulu les laisser mourir en paix alors ils se sont relevés pour entamer une marche éternelle à la recherche de leur dû : entraîner les vivants dans la froideur des ténèbres. Les vivants, certains se sont habitués, d’autres fuient encore. Deux soldats ennemis obligés de s’unir pour lutter contre l’horreur, une caissière qui assiste à la décadence d’une humanité condamnée, une petite fille et sa chienne traversant le pays ravagé à la recherche d’un havre de paix, un père de famille contraint d’endosser un costume de père Noël dans une zone sinistrée, un gamin qui prend soin de ses parents malgré leur décomposition avancée… Accrochez-vous pour ce sombre voyage à travers treize histoires qui ne vous laisseront pas indemne. »

 

Mon avis

« Toi qui entres ici, abandonne toute espérance. »

Qu’y a-t’il après l’apocalypse? Les œuvres relatives au genre zombie ne s’intéressent guère au sujet, à quelques exceptions près. Il est vrai que le thème se prête plus volontiers au survival, que ce soit dans les films, les romans ou les jeux de plateaux. On retombe immanquablement sur le poncif qui veut que l’homme est un loup pour l’homme.

Oubliez les anti-héros avec un gilet aux ailes d’anges, ou les héros flics qui passent leur temps à sauver leur prochain. Ici les protagonistes sont des personnes ordinaires, des hommes, des femmes et mêmes des enfants, qui feront de leur mieux dans une situation qui les dépasse. Il survit, s’adapte ou tente de prendre le meilleur parti d’une situation

Déjà, le choix du format de la nouvelle est extrêmement bien vu. En ce qui me concerne c’est un genre que j’affectionne tout particulièrement. Tout est possible. On peut prendre le point de vue du méchant, on peut faire mourir les gentils (ou l’inverse). On peut commencer par le milieu, par la fin. On ne sait jamais où cela va mener. J’aime ne pas savoir où je vais (et cela n’a rien à voir avec mon sens déplorable de l’orientation!).

Comme je l’ai dit : tout est possible.

Ainsi, au fil des 13 nouvelles, le zombie est devenu un argument marketing (banco pour une chaîne de restauration rapide, dont le logo sur la casquette permet de mieux viser le cerveau des Z), un père accordera à son fils un dernier tir au but au Stade de France avant que la horde ne les encercle, un homme suit une formation plus qu’exigeante pour faire le Père Noël tout en évitant les mômes infectés, un allemand et un américain s’entraident pendant la 2e guerre mondiale face à une attaque zombie, un homme paranoïaque persuadé que les autorités fichent les gens et savent qui se transformera en zombie après sa mort. Et d’autres histoires dont je vous laisse la primeur.

Sans être une référence du genre, je pense pouvoir me targuer d’avoir beaucoup vu et lu sur le zombie, et j’en apprécie d’autant plus les propositions nouvelles. C’est ce que j’ai trouvé avec ce recueil, pour mon plus grand plaisir.  J’ai frissonné, j’ai été happée, j’ai tremblé avec les personnages, j’ai été émue et parfois, oui, j’ai ri. Ce qui est bien peu commun, vous en conviendrez.

L’humour est distillé avec brio tout au long des 13 nouvelles. Qu’il s’agisse du sarcasme, de l’ironie, de la plaisanterie douteuse, l’humour fait toujours mouche. Il paraît parfois déplacé de la part d’un personnage, dans des situations atroces et désespérées, inadapté. Mais il paraît que le rire est le propre de l’homme : quoi de plus normal que de faire rire l’homme, quand celui-ci a perdu son hégémonie de plusieurs siècles (millénaires?) sur un monde qu’il a lui-même saccagé? Le rire demeure la dernière preuve qu’on est humain, quand le sommet de la chaîne alimentaire est une espèce qui n’attend que de s’en repaître.

La qualité de la plume d’Alexandre Ratel a largement contribué à mon coup de cœur : c’est d’ailleurs ce qui fait la différence sur un sujet où on pense avoir tout lu. J’ai pris plaisir à pérégriner dans sa vision de la comédie humaine, grâce à son ton juste et son écriture impeccable. Une vérité perdure dans ses récits : ce n’est jamais le zombie le personnage principal, il n’est qu’un prétexte à dépeindre la nature humaine. Un leitmotiv dans la culture zombie, mais l’auteur le fait ici avec beaucoup de talent.

En conclusion, c’est un réel coup de cœur, je ne peux que vous en recommander la lecture.

 

Mon personnage préféré

Le père de famille qui suit une formation pour devenir un Père Noël dans Noël rouge a ma préférence. Il n’a rien d’un héros, il essaie de subvenir aux besoins de sa famille, quitte à faire un job où il risque sa peau, et sans se départir d’un humour acide (Ben Richards, sors de ce corps). Il fera de son mieux pour remplir sa mission, notamment en préservant une petite troupe de gosses. 

 

Le passage qui m’a marquée

L’appétit des ogres. Les zombies ont une utilité : ils coûtent moins cher que des mannequins pour crash test. Mais attention! Il en faut des frais pour que les tests soient concluants. La froideur et le pragmatisme des cadres de l’entreprise en fera frémir plus d’un…

 

Une citation

 « Madame ? demanda la jeune stagiaire, craintive. Je sais que je ne devrais pas vous dire ça, mais… Parfois j’ai l’impression que vous les aimez plus que nous. »

Le regard d’Angélique ne décrochait pas de ce qui jadis fut un homme et reposait ici sans vie, supplicié pour les besoins d’une humanité décadente. « Ils ne m’ont jamais déçus. »

 

Bonus

J’ai pour habitude de proposer ici des lectures ou visionnages sur le même thème que l’ouvrage qui fait l’objet de la chronique. Mais j’ai déjà proposé tellement de choses dans le thème du zombies…

Pour changer, je vous propose une mini-interview de l’auteur, Alexandre Ratel, qui a gentiment accepté de se prêter au jeu et je l’en remercie.

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Bonjour, tout d’abord je te remercie d’avoir accepté ma proposition. Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Alexandre Ratel, 40 ans, marié et deux petites filles de 5 et 6 ans. Rêveur, amateur de frissons. Piqué aux morts-vivants, je pense que cela doit se ressentir dans mes livres, parce que oui, il m’arrive d’écrire des livres. 😊

 

Pourquoi avoir choisi de parler de zombies ?

L’ai-je vraiment choisi ? Je suis tombé dedans quand j’étais petit en découvrant en cachette les films de George A. Romero. « Dawn of the Dead (1978) fut le mon premier vrai choc zombiesque et cinématographique. Ce film dégage une véritable puissance et je dois dire que je n’étais pas effrayé. J’étais fasciné. D’où viennent ces créatures est une question qui ne m’importait pas. Je m’identifiais aux quatre survivants et je me demandais ce que j’aurais fait si j’avais été à leur place. Je me le demande encore à chaque visionnage d’ailleurs. Romero a pour moi créé et marqué le genre. La production sur le sujet, cinématographique ou littéraire est énorme, mais rien n’est comparable à ce qu’il a fait. Dans mes histoires, je conserve la plupart de ses règles. Et je le fais à ma manière, comme je ne l’ai pas vu par ailleurs. La plupart des lecteurs qui m’ont fait un retour parlent de « fraîcheur » dans l’univers des zombies. Et ça, ça me fait on ne peut plus plaisir.

 

Le choix d’écrire des nouvelles sur les zombies n’est pas banal. Pourquoi le choix de ce format ?

J’ai commencé par ce format en répondant à des appels à textes. Cela m’a permis d’entrer dans le milieu de l’édition où une dizaine d’éditeurs différents ont publié mes textes. Il n’y a pas que du zombie d’ailleurs, il m’arrive (parfois) d’emprunter d’autres chemins.

Pourquoi des nouvelles ? Clairement, je ne me sentais pas capable d’écrire un roman. J’avais peur de ne jamais arriver au bout. De ne pas savoir quoi raconter et de me perdre en chemin. Mais attention, la nouvelle ce n’est pas vraiment une solution de facilité. L’écriture d’une nouvelle qui fonctionne n’est pas ce qu’il y a plus de simple. Pas de superflu, du rythme, une histoire qui tient la route en peu de pages avec un début, un milieu et une fin (voir une chute), des personnages auxquels le lecteur doit quand même pouvoir s’attacher malgré la taille restrictive du récit. C’est un tour de force quand on prend un peu de recul. Après, malgré tous mes efforts, certains lecteurs demeurent frustrés par le format. C’est le jeu. Cela dit, plusieurs de mes nouvelles pourraient être transformées en roman. On dira que les recueils m’ont permis de poser le copyright. 😉

 

Quelle est ta plus grande source d’inspiration pour l’écriture de tes recueils ?

Ma plus grande source d’inspiration, c’est le quotidien. Les idées viennent là où on les attend le moins. Je passe devant un cabinet d’assurances et je me dis : « Tiens. Que pourrait faire un assureur dans un monde de zombies ? » Et c’est parti pour une nouvelle histoire. Le journal, des reportages, des échanges avec mes proches, des lectures. C’est partout. Il suffit de se pencher pour les cueillir les idées.

 

D’habitude, cette rubrique sert à proposer des œuvres en lien avec l’ouvrage présenté. As-tu une ou deux recommandations de lecture à faire aux lecteurs ?

Pour les fans de Romero, je recommande l’ouvrage de Julien Sévéon sur le Maître « Révolution, Zombies et Chevalerie, disponible auprès d’ESC. Une édition augmentée est parue cet été. En littérature de l’Imaginaire ? Rien à voir avec les zombies, j’adore le cinéma et les grands classiques hollywoodiens et récemment j’ai commencé à lire Michael Crichton pour découvrir l’origine de grands films tels que Jurassic Park ou encore Jaw de Peter Benchley qui est dans ma PAL. J’ai très envie de lire First Blood  de David Morrell également.

 

Merci Alexandre d’avoir joué le jeu. A bientôt avec les zombies !

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